Houari Boumediene

De l'époque numide aux temps modernes.
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geronimo
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Houari Boumediene

Message par geronimo »

L'une des dernières vidéo de président Houari Boumedienne de son vivant et son enterrement :(

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geronimo
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Re: Houari Boumediene

Message par geronimo »

il est mort de la maladie de Waldenström qui est une maladie rare qui a emporté pas mal de chef d'état
# le président français Georges Pompidou,
# le président algérien Houari Boumedienne,
# le premier ministre israëlien Golda Meir, et
# le shah d'Iran Mohammad Reza Pahlavi.
À partir de l'année 1978, les apparitions publiques du président Houari Boumédiène se font de plus en plus rares, il s'est avéré qu'il souffrait d'une maladie du sang, la maladie de Waldenström, mais il reste que très peu de choses ont été dites à propos des circonstances qui entourèrent sa mort, qui survint le 27 décembre 1978.
Lors d’une réception organisée à l’occasion de la visite du président français Valéry Giscard d’Estaing, ce dernier déclara : « La France historique salue l’Algérie indépendante. », Boumédiène ne tarda pas à prendre la parole, s’exprimant en français il déclare « Une page est tournée ; l’Algérie est d’abord fille de son histoire, qu’elle ait surmonté l’épreuve coloniale et même défié l’éclipse, atteste, s’il en était besoin, de cette volonté inextinguible de vivre sans laquelle les peuples sont menacés parfois de disparition. L’ornière qui nous a contraints à croupir dans l’existence végétative des asphyxies mortelles nous imposa de nous replier sur nous-mêmes dans l’attente et la préparation d’un réveil et d’un sursaut qui ne pouvaient se faire, hélas ! que dans la souffrance et dans le sang. La France, elle-même, a connu de ces disgrâces et de ces résurrections. » Le président français fut très décontenancé par ces propos évocateurs d'un passé gênant, la visite a failli tourner à l’incident diplomatique. Plus tard, Boumédiène déclinera une invitation pour une visite officielle en France
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Foxbat
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Re: Houari Boumediene

Message par Foxbat »

Doc de plus d'une heure sur H Boumédiène Allah Yarahmou.

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geronimo
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Re: Houari Boumediene

Message par geronimo »

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L'une des rares photo avec sa femme
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geronimo
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Re: Houari Boumediene

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boufertetou
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Re: Houari Boumediene

Message par boufertetou »

La maladie est la version officielle de sa mort, la cause de sa mort est autre et l'auteur de cette maladie programmee a ete pendu par les shia il qques annees...
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anzar
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Re: Houari Boumediene

Message par anzar »

Tu parles de Saddam :?:
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boufertetou
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Re: Houari Boumediene

Message par boufertetou »

anzar a écrit :Tu parles de Saddam :?:
Je parles de lui, et c'a vient d'un ami intime de Boumediene , lah yarhamhoum fi zoudj!
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geronimo
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Re: Houari Boumediene

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Re: Houari Boumediene

Message par l'adjudant/chef »

Il a régné sur l’Algérie de 1965 à 1978
Les derniers jours de Boumediène
[/b]

Jeudi 5 octobre 1978. Le temps est couvert sur Alger. Les rares passagers du vol régulier Alger-Moscou, prévu à 9h15, attendent tranquillement dans la salle d’embarquement lorsqu’ils aperçoivent trois limousines noires s’immobiliser devant la passerelle de l’avion.

De l’intérieur d’une des voitures s’extrait un homme emmitouflé dans son burnous brun avant de s’engouffrer dans l’appareil. Devant le cockpit, l’on a spécialement aménagé un petit coin pour permettre à cet homme de voyager confortablement. L’homme emmitouflé dans son burnous n’est autre que le président Houari Boumediène. Curieusement, on a dérogé au protocole qui sied à ce genre de cérémonie. Aucun ministre, aucun haut gradé de l’armée n’est venu saluer le départ du chef de l’Etat algérien. Hormis son entourage et une poignée d’officiels, personne ne devait savoir que Boumediène doit se rendre en URSS. Le secret doit être si bien gardé que les passagers qui devaient effectuer le voyage vers Moscou sont priés de rentrer chez eux. Seul un membre du gouvernement, Ahmed Taleb El-Ibrahimi, ministre conseiller auprès de la présidence de la République, médecin lui-même, fera partie de la délégation qui accompagnera le président. Pourquoi s’entourer d’un maximum de prudence ? Pourquoi cultiver tant de cachotteries autour d’un voyage d’ordinaire plutôt banal ? A vrai dire, Houari Boumediène est malade. Depuis quelques semaines, son état de santé est devenu si préoccupant que les médecins du Président ont pris la décision de l’évacuer vers un hôpital russe. Pourtant, l’été 1978 s’annonce plutôt radieux pour Boumediène. Au cours du mois de juillet, il se rend avec son épouse Anissa en Yougoslavie pour y passer ses premières vraies vacances. Depuis son accession au pouvoir en juin 1965, le raïs ne s’est jamais vraiment offert une grande plage de repos. Certes, ce célibataire endurci, ce casanier qui adore la compagnie de ses amis et fidèles, notamment Chérif Belkacem, Ahmed Medeghri et Abdelaziz Bouteflika, s’est marié avec une avocate de père algérien et de mère suissesse, mais il a rarement pu profiter des joies de la vie conjugale tant il est pris par ses fonctions. Ami intime du chef de l’Etat Yougoslave, Josip Broz Tito, Boumediène peut donc disposer en Yougoslavie des meilleures commodités qu’offre une luxueuse demeure dans une station balnéaire de la mer Méditerranée. La lecture, la baignade, le repos, la compagnie de son épouse, quoi de mieux pour remettre Boumediène d’aplomb. Mais voilà, en dépit du grand faste et des considérables égards dont il bénéficie lors de son séjour, le Président se sent mal. Il ressent de fortes douleurs au niveau de la tête, mais son entourage ne s’en inquiète pas outre mesure.

Boumediène incapable de gouverner

De retour de Yougoslavie, Boumediène reprend ses activités. Le 19 septembre, il reçoit le leader cubain, Fidel Castro, de passage à Alger avant de s’envoler à la fin du mois en Syrie pour prendre part au sommet des chefs d’Etat arabes. Malgré son état de fatigue, faisant fi des recommandations de son médecin, Boumediène ne veut, pour rien au monde, manquer cette importante réunion qui se tiendra à Damas. « Je tiens à être présent à ce moment. Rien ne pourra me faire changer d’avis », affirmera-t-il, en substance, à ceux qui lui demandent de ménager ses forces. Comme prévu, la conférence sera éreintante. Des heures interminables de discussions, de palabres, de débats et de rencontres en aparté épuisent Boumediène qui, pourtant, jouit d’une solide corpulence et dont les capacités de résistance au travail sont énormes. Une fois de plus, Boumediène se plaindra de temps à autre de ces satanés maux de tête qui l’empêchent de dormir. Sitôt la conférence achevée, Boumediène regagne Alger le 24 septembre. A l’aéroport, une délégation de hauts responsables l’attend au pied de l’avion. Curieusement, ni la télévision ni les journaux, d’habitude si prompts à rendre compte des moindres cérémonies officielles, se gardent de diffuser des images de cette cérémonie. L’absence d’images officielles ne soulève pas davantage d’interrogations, mais cela intrigue tout de même. Les jours passent et les douleurs deviennent de plus en plus insistantes si bien que Boumediène est contraint de limiter les visites sur le terrain, les audiences ainsi que les entretiens avec les membres du gouvernement. Depuis l’été 1978, pas moins de quatre Conseils des ministres ont dû être successivement annulés sans que l’on en connaisse les raisons. De hauts dirigeants étrangers débarquent à Alger sans qu’ils puissent rencontrer Boumediène. Ami de longue date de Boumediène, le vice-président du Vietnam, Nguyên Huu Tho, séjourne à Alger sans qu’il soit en mesure d’obtenir une entrevue avec le Président. Le mystère entoure le raïs. Bien sûr, tout cela intrigue tant que les chancelleries occidentales finissent par ébruiter l’information : Boumediène est dans l’incapacité de gouverner. Dans la capitale, les rumeurs se propagent et agrémentent les discussions du microcosme politico-médiatique. Chacun va de sa supputation. Boumediène aurait fait l’objet d’un empoisonnement lors de son séjour en Syrie. Le Mossad, services secrets israéliens, aurait intoxiqué le Président à l’aide de rayons déclenchés par le flash d’un appareil photo. Boumediène aurait fait l’objet d’une tentative d’un putsch dont il serait sorti blessé. L’hebdomadaire britannique Sunday Express s’en fera l’écho le 14 octobre en affirmant, grâce à une gorge chaude française, que le président algérien a fait l’objet d’un coup d’Etat fomenté par de jeunes officiers. Tout cela expliquerait-il donc sa disparition de la scène publique ? En réalité, Boumediène souffre d’une mystérieuse maladie. Après maintes analyses, ses médecins détectent enfin des traces de sang dans son urine et concluent à une hématurie, une infection qui se caractérise par la présence de sang dans les urines. Infection des reins ? Cancer du sang ? Les médecins demeurent perplexes. Pis, ils sont impuissants face au mal qui ronge Boumediène. Devant la persistance des douleurs, ses proches décident donc d’évacuer Boumediène vers Moscou. Pourquoi l’URSS plutôt que la France ou la Suisse, pourtant réputés pour leurs hôpitaux ultramodernes ? Le gouvernement algérien ne souhaite nullement que la maladie du Président soit rendue publique tellement il est vrai qu’une telle éventualité aurait des conséquences néfastes pour la stabilité de l’Algérie. Décision est ainsi prise de recourir à des soins dans un pays ami. Une fois l’accord des Soviétiques acquis, les vrais motifs du voyage devront rester dans la stricte confidentialité. Ce jeudi 5 octobre donc, Boumediène s’envole vers Moscou. Ce voyage sera l’ultime déplacement vers l’étranger. Contrairement aux usages, Boumediène refuse de se faire admettre dans une clinique spécialisée, où se font régulièrement soigner les apparatchiks soviétiques ainsi que les dirigeants des pays du tiers-monde, amis ou alliés de l’URSS. Il refuse même de recevoir les visites de ses collaborateurs. Les seules personnes qui ont le droit de l’approcher se comptent sur les doigts de la main. C’est le cas, notamment, d’Ahmed Taleb El Ibrahimi. On ne saura jamais les raisons d’une telle prudence de la part de Boumediène. Sans doute l’explication se justifierait par sa légendaire méfiance acquise durant les années de guerre et cultivée plus tard lors de son exercice du pouvoir.

Un séjour et des interrogations

Le 15 octobre, soit dix jours après son évacuation, un communiqué officiel de l’Agence de presse algérienne rompt enfin le silence. Une dépêche de l’agence officielle, APS, expédie la nouvelle en quatre lignes : « Le président Boumediène a quitté Alger à destination de Moscou pour une visite de travail. » On l’aura bien compris : la diffusion de cette information est destinée à couper court aux rumeurs et aux spéculations qui n’ont pas manqué d’alimenter la gazette du palais. Le lendemain, lundi 16 octobre, Alger donne davantage d’explications sur le voyage du Président ainsi que sur ses prétendues activités. On évoquera alors des entretiens entre Boumediène, Leonid Brejnev, président de l’URSS, et Alekseï Kossyguine, son chef de la diplomatie. Tant à Alger qu’à Moscou, tout nage dans une parfaite quiétude. Les Russes pousseront même leur sens de l’hospitalité jusqu’à annoncer, le 19 octobre, que le président Boumediène accepte de prolonger son séjour en URSS. Décidément, ce séjour moscovite de Boumediène devient de plus en plus suspicieux. Les différentes analyses effectuées par les médecins russes donnent les premiers résultats : Boumediène serait atteint d’une cryoglobulinémie, c’est-à-dire une affection qui se caractérise par la présence dans le sang d’une protéine anormale. Hélas, les médecins évoqueront également une autre pathologie, nettement plus grave. Pour la première fois, le diagnostic sera encore plus précis. Boumediène souffre de la maladie de Waldenström, une infection très rare du sang, découverte par un chercheur suédois qui lui attribua son nom. Le mois d’octobre approche de sa fin. L’état de santé de Boumediène s’améliore. Il réclame auprès de lui son ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika. Les deux hommes doivent se concerter avant la tenue d’un important sommet arabe prévu dans la capitale irakienne. Fidèle parmi les fidèles de Boumediène, Bouteflika se rend donc à Moscou. L’ambassade d’Algérie à Moscou est assiégée par les reporters, tous venus à la pêche aux nouvelles. Mais alors qu’officiellement tout est fait pour accréditer la thèse d’un voyage d’affaires, un diplomate de la représentation algérienne va commettre la bourde de déflorer ce secret. Pressé par les journalistes de fournir de plus amples indications sur la présence de Boumediène en URSS, cet honorable diplomate lâchera devant les journalistes cette phrase : « L’état de santé du Président s’est beaucoup amélioré. » Jusqu’ici tenue secrète, la maladie de Boumediène devient un fait reconnu, une nouvelle admise officiellement. N’étant pas en mesure de prolonger longuement son séjour à Moscou, Bouteflika se rend directement à Baghdad pour assister à la conférence des chefs d’Etat arabes. Jusqu’à la dernière minute, les organisateurs ont attendu et espéré la présence de Boumediène, farouche défenseur des causes arabes, mais le raïs ne sera pas présent. Ce sera donc son ministre des Affaires étrangères qui présidera la délégation algérienne. Assailli de questions sur l’état de santé de Boumediène, Bouteflika est dès lors contraint d’admettre la réalité des faits avec des termes diplomatiques. « Le Président a seulement éprouvé le besoin de prendre du repos, car il était complètement exténué. Il n’avait pas pris un seul jour de congé depuis le 1er novembre 1954. Les médecins lui ont imposé un temps d’arrêt. Il reprendra incessamment ses activités », affirme-t-il. Des vacances en URSS en plein mois d’octobre ? Drôle d’endroit et encore plus, drôle de période pour des vacances. Bien sûr, à Baghdad, personne n’est dupe. Les diplomates arabes ont vite compris que Boumediène était malade. C’est d’autant plus vrai que quelques officiels syriens, ceux-là mêmes qui avaient accueilli le président algérien quelques jours plus tôt à Damas, ont perfidement laissé entendre, dans les couloirs des palaces de Baghdad, que Boumediène souffrait d’une maladie mystérieuse.
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De grands frais pour soulager le président


A Moscou, le séjour de Boumediène commence à s’étirer. Devant l’incapacité des médecins russes à procurer des soins adéquats à l’illustre patient, l’entourage de Boumediène décide de rapatrier le Président. C’est ainsi que le 14 novembre, le quotidien El Moudjahid peut annoncer en grosse manchette : « Le président Boumediène est de retour à Alger ». Finis les ennuis de santé ? Loin de là… Affaibli et considérablement amaigri, Boumediène est contraint à un repos total. Malgré les soins intensifs qui lui seront prodigués, les douleurs persistent encore et encore. Elles seront tellement insupportables que ses apparitions publiques lui seront désormais prescrites. A l’aube du samedi 18 novembre, patatras ! Le Président est évacué d’urgence à l’hôpital Mustapha Bacha. Son cas est jugé grave. Très grave même. Boumediène plonge dans le coma. Aussitôt, l’hôpital d’Alger sera transformé en bunker. Les services de sécurité quadrillent les alentours et chaque entrée sera désormais filtrée et soumise à l’autorisation des cerbères de la sécurité militaire. Tout un quartier du vaste hôpital sera même entièrement réquisitionné. Sur une pancarte scotchée devant l’entrée de l’enceinte hospitalière, on peut lire « entrée interdite » et hormis les médecins et quelques officiels, nul n’est admis à y mettre les pieds. Progressivement, le gouvernement algérien met en branle une gigantesque opération médicale internationale. Rien ne sera trop beau ni trop cher pour soulager Boumediène de son mal. Des professeurs venus d’Europe, d’Amérique, d’Asie et d’Afrique débarquent dans la capitale algérienne pour se mettre au chevet du malade. Des appareils médicaux sophistiqués, au demeurant introuvables en Algérie, sont-ils nécessaires ? On les fera venir à grands frais. Les médecins éprouvent-ils des difficultés à embarquer vers Alger ? On affrétera l’avion présidentiel, un Mystère 20, pour les acheminer au chevet du Président. Des places manquent-elles pour loger tout cet aréopage de médecins ? Ils seront installés dans de luxueuses et confortables villas situées dans les quartiers chics de la capitale. Qu’importe le prix, des millions de dollars seront dépensés, pourvu que le Président puisse trouver une voie de guérison. Dans le pavillon réservé au patient, des dizaines de médecins de différentes nationalités se relayent aux côtés des professeurs algériens pour tenter de soulager Boumediène de son mal. Non loin de la salle où gît inconscient le Président, l’on a aménagé une chambre pour son épouse Anissa qui ne quittera presque plus l’hôpital. La fidèle, mais effacée, épouse veillera sur son mari comme une sorte d’ange gardien. Des journées durant, les médecins improvisent de véritables congrès médicaux internationaux dont l’objectif est aussi simple, tragique qu’impossible : faire revenir à la vie le président algérien. A quelques encablures de ces conclaves médicaux, se tiennent d’autres réunions, encore plus secrètes, moins informelles mais davantage décisives. Non loin de cet hôpital où agonise Boumediène, les membres du Conseil de la Révolution algérienne, instance mise en place par Boumediène au lendemain du coup d’Etat de 1965, se concertent, se consultent et échafaudent des scénarios. Bien sûr, rien ne filtrera de ces conclaves secrets. Rien ne sera rendu public jusqu’à ce lundi 20 novembre où le Conseil de la Révolution annonce publiquement « sa volonté d’assurer la direction du pays ». Bien que la vacance du pouvoir soit de fait assumée, personne n’osera prétendre officiellement à la succession de Boumediène. Mieux, personne n’osera admettre publiquement que le moment est venu pour parler de l’après-Boumediène. Les médias et les officiels appellent le peuple à la « vigilance ».

Les rumeurs circulent sur la mort de Boumediène

La population algérienne est invitée à se « montrer digne de l’épreuve que cruellement le destin lui a imposée, à faire montre de civisme et à faire confiance aux autorités du pays ». Les journaux ressassent inlassablement la même antienne : la mobilisation contre la réaction interne manipulée de l’étranger. Jeudi 23 novembre. Une semaine est déjà passée depuis son admission à l’hôpital. Boumediène est toujours dans le coma : « Paralysie des autres membres, inconscience totale, lésion possible à la base du cerveau ». Bien que le bulletin de santé soit plutôt critique, le gouvernement algérien refuse de s’avouer vaincu par la fatalité. D’éminents spécialistes continuent d’arriver à Alger. Le professeur Adams, neurologue américain de renommée mondiale, ainsi que le neurochirurgien anglais Crockart arrivent à la rescousse. Désormais, Alger devient la capitale de la médecine mondiale, dévouée à une seule cause, à un seul impératif : tout faire pour ramener Boumediène à la vie. Miracle. Le vendredi 24 novembre, celui-ci sort de son coma. Il est même en mesure d’esquisser quelques gestes. Il répond aux injonctions des médecins, ouvre les yeux et la bouche. Dès lors, l’espoir est permis. Le Président peut être sauvé, mais il faut faire encore plus. Quelqu’un suggère le nom du professeur Jan Gosta Waldenström. Le professeur Waldenström, médecin chef de l’hôpital de Malmö en Suède, est reconnu par ses pairs pour être le spécialiste le mieux habilité pour traiter les infections liées au sang. N’est-ce pas lui qui a découvert cette terrible maladie dont on en sort rarement vivant ? Contacté par les officiels algériens, Waldenström accepte de se rendre en Algérie. Il fera le voyage à Alger à bord de l’avion particulier du Président, ce fameux Mystère 20. La venue de Waldenström laisse présager un bon espoir. Arrivé à Alger, le professeur suédois est aussitôt conduit à l’hôpital où il s’entretient avec l’équipe médicale installée depuis quelques jours. Après de longs entretiens, il peut enfin regagner sa résidence, mise à sa disposition au niveau du Palais du gouvernement, une somptueuse demeure mauresque nichée au cœur d’Alger. Ce n’est que le lendemain que Waldenström peut enfin consulter son illustre patient. Son diagnostic ne tarde pas à tomber : Boumediène est atteint d’une très grave maladie, pour tout dire, incurable. Cette vérité, Waldentröm se garde de la divulguer aux journalistes étrangers. Secret médical, dit-il. Mais, cette vérité, il ne le cache pas aux rares officiels algériens qui seront autorisés à s’entretenir avec lui. Parmi les confidents du médecin suédois, le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Bouteflika, ainsi que l’épouse du Président, Anissa. A Bouteflika, Waldenström tiendra le langage de la franchise et de la vérité. « Il n’y a rien à faire. Il faut attendre la mort », aurait-il déclaré. Le médecin de la dernière chance a donc délivré l’ultime message. Houari Boumediène n’a plus aucune chance de survie. Après avoir livré son diagnostic, Waldenström émet le vœu de repartir chez lui, en Suède. Plus rien ne pourra sauver ce patient que les officiels veulent absolument ramener à la vie. Mais les officiels algériens refusent de désespérer. Le diagnostic du professeur Waldenström n’étant pas une vérité absolue, il faudra donc tout tenter pour que le miracle puisse avoir lieu. Aussi, on fait appel à l’expertise et à la logistique des Américains. Aussitôt sollicité, le président Jimmy Carter fait montre de sa disponibilité et met à la disposition de l’Algérie un scanner dépêché directement de Californie. Le précieux matériel arrivera à l’aéroport d’Alger au moment même où le Mystère 20 de la Présidence algérienne s’apprête à décoller avec à son bord le professeur Waldenström. Impuissant devant l’inéluctabilité de la mort, celui-ci avouera plus tard à un journaliste de Paris Match les raisons de son départ précipité. « Je n’ai plus rien à faire », dira-t-il. Le 28 novembre, Boumediène sombre de nouveau dans un coma irréversible. Il n’y a presque plus d’espoir parmi la cinquantaine de médecins qui se relayent jour et nuit autour du corps inanimé de Boumediène. En dépit des renforts de matériel sophistiqué, malgré les multiples soins prodigués au patient, son état demeure désespérément critique. Il perd du poids à vue d’œil. Cet homme longiligne et légèrement grassouillet ne pèse aujourd’hui qu’une quarantaine de kilos. Dernière semaine de décembre. Les officiels décident de préparer l’opinion au pire. La presse évoque « la fatalité », comme pour signifier que Boumediène ne sortira plus jamais vivant de la salle d’hôpital où il gît depuis le 18 novembre. Mercredi 27 décembre, l’information tombe comme un couperet. Le président Houari Boumediène est mort. Le Conseil de la Révolution entre en réunion permanente. Objectif : organiser les obsèques de Houari Boumediène dans le calme et la sérénité. Avant de passer aux choses sérieuses. Vendredi 29 décembre. Au cimetière d’El Alia, une brochette de ministres, de hauts gradés de l’armée et de grands dirigeants du pays est alignée en rangs d’oignons face au cercueil du défunt. Dans un silence de cathédrale, tous arborent des visages de cire. Habillé d’un manteau noir, Abdelaziz Bouteflika, le ministre des Affaires étrangères, fidèle parmi les fidèles, fait la lecture de l’oraison funèbre. Moins de deux heures plus tard, la cérémonie s’achèvera tandis que commencera la vraie bataille pour la succession de Houari Boumediène.

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Re: Houari Boumediene

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oreda99 a écrit :
Interview de Paul BALTA par Mohamed Chafik MESBAH

Partagez-vous les préventions entretenues sur l’origine de la mort de Houari Boumediene ?

[/b]PB : Je crois que le Dr Taleb Ibrahimi est la personne la plus qualifiée pour donner son témoignage sur la maladie de Houari Boumediene. Médecin de formation, il est spécialiste d’hématologie. C’est lui, en particulier, qui a accompagné Houari Boumediene à Moscou pendant ses soins. Il était chargé, enfin, d’informer le Conseil de la Révolution sur l’évolution de la maladie du Président de la République. C’est lui qui m’avait confié, les larmes aux yeux, alors qu’il était Ministre Conseiller à la Présidence, que Boumediene avait uriné du sang, peu de temps, donc, après ma dernière entrevue avec lui, fin août 1978. Des analyses secrètement effectuées en France avaient confirmé la gravité du mal. Le Dr Taleb Ibrahimi et Abdelaziz Bouteflika avaient conseillé à Houari Boumediene d’aller se faire soigner en France. Il avait refusé car il était préoccupé par le secret qui devait entourer sa maladie. Les deux responsables lui avaient alors suggéré l’Autriche ou l’Allemagne en raison du développement de la médecine dans ces deux pays. Houari Boumediene qui avait d’emblée écarté les USA pour des considérations de politique et de sécurité, a opté, en définitive, pour Moscou. Le Dr Taleb Ibrahimi m’a expliqué, par la suite, que les médecins russes avaient commis des erreurs de diagnostic qui lui ont été fatales. Boumediene avait alors décidé de regagner Alger pour mourir sur sa terre natale. Il est établi qu’il souffrait de la maladie de Waldenstrom, une maladie très rare du système lymphatique, dont est mort Georges Pompidou. Voilà les seules informations dont je dispose. Il m’est impossible de spéculer sur une autre origine de la mort de Boumediene, même si le contexte diplomatique de l’époque peut laisser imaginer que sa disparition convenait à certaines parties…
MCM : Vous ne convenez pas, néanmoins, que Houari Boumediene, nonobstant la ferveur manifestée par le peuple algérien au cours de son inhumation, n’a pas réussi à organiser sa succession ?
PB : La maladie puis la mort l’ont devancé par rapport à ses projets. Comment aurait-il organisé son départ ou sa succession, nous en sommes réduits à des spéculations.
http://fsadz.org/content.php?artID=587&op=68
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Re: Houari Boumediene

Message par l'adjudant/chef »

Houari Boumediène, un homme, une ambition
[/size][/b]

Le président H. Boumediène est quasiment entré dans l’oubli. Nous célébrerons le 27 décembre 2008 le 30e anniversaire de sa disparition.

Même ceux qui étaient ses plus proches compagnons de route n’évoquent que très rarement son nom, encore plus ce qu’ils lui doivent. L’auteur de ces lignes appartient à une génération que H. Boumediène a rendu fière d’être algérienne. N’oublions jamais que notre pays n’a eu de cesse d’être considéré aussi bien par l’Occident que par nos plus proches voisins, comme un pays ahistorique dont les populations successives n’avaient jamais pu constituer une nation. Quant à la colonisation française, il est redondant de rappeler le rôle dévastateur qu’elle eut sur la personnalité algérienne. Dès lors que le projet de H. Boumediène consistait à restituer aux Algériens une dignité et une confiance en eux-mêmes que les tribulations de l’histoire leur avaient confisquées, le devoir de l’historien est de faire en sorte que puisse être conservée la trace durable de son passage(1). Reconnaître le rôle et la place de H. Boumediène dans l’histoire de notre pays, revient-il à accorder quitus à son bilan ? Certainement pas. Il ne serait ni honnête ni crédible de chercher à occulter les incohérences, les palinodies, les contradictions et la part d’idéalisme que portait son projet de transformation de la société algérienne. Sur la légitimité historique de H. Boumediène puis sur sa légitimité démocratique, au moment du « sursaut révolutionnaire » du 19 juin 1965, nous verrons que la question de la légitimité est autrement plus complexe et plus vaste que celle traditionnellement posée par les historiens de l’Algérie. En particulier, nous montrerons que la légitimité révolutionnaire de H. Boumediène n’avait strictement rien à envier à celle de beaucoup d’autres acteurs, y compris ceux que l’historiographie officielle qualifie abusivement « d’historiques ». En ce qui concerne la période 1965-1977, H. Boumediène tente d’expérimenter, conformément aux principes contenus dans les programmes de la Révolution et à l’unisson de tous les experts de l’époque, une voie de développement basée sur l’appropriation par l’Etat des principaux moyens de production et d’échange. Mais à partir de 1977, il décide d’adopter un virage à 180 degrés en posant les fondements d’un nouveau projet de société, plus conforme aux réalités nationales et plus respectueux des aspirations des populations, et notamment des couches moyennes. Il est évidemment regrettable que cette mutation soit toujours occultée par les historiens, alors qu’elle allait changer le destin de l’Algérie. Le devoir de mémoire à l’égard de H. Boumediène ne peut être entrepris sérieusement que si l’on consent à examiner les défis posés aux responsables algériens par la période post-coloniale, compte tenu de l’état de déshérence des institutions publiques, à ce moment-là(I). Il conviendra ensuite de prendre la mesure des contradictions redoutables inhérentes à la construction d’un Etat moderne(II). Enfin, il faudra bien répondre aux contempteurs de H. Boumediène en soulignant le caractère inachevé de sa mission(III).
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Re: Houari Boumediene

Message par l'adjudant/chef »

- LES DéFIS DE L’INDéPENDANCE


Au sortir d’une période coloniale de 132 ans, les responsables algériens qui viennent à la succession de l’Etat français sont contraints de partir de zéro. La colonisation a certes laissé des écoles, des hôpitaux, des ponts, des routes, etc. mais pas de structures étatiques qui eussent permis d’encadrer un développement économique, social et culturel apte à sortir l’Algérie du sous-développement. Les défis que les responsables algériens doivent relever sont nombreux et lourds. Les trois premières années d’indépendance (1962-1965) sont caractérisés par la démagogie et le laxisme du pouvoir exécutif incarné par le président Ahmed Ben Bella. Personnage fantasque et imprévisible, nationalisant à tour de bras bains maures, gargotes et petites entreprises, incapable de se projeter à moyen terme, tiré à hue et à dia par une clique de courtisans astiqués (qui feront très vite allégeance au nouveau pouvoir), Ahmed Ben Bella allait conduire l’Algérie droit vers le chaos, n’était l’intervention du colonel Boumediène, alors 1er vice-président de la République et ministre de la Défense qui est parvenu à stopper in extremis les errements d’un chef de l’Etat totalement irresponsable. Au « désordre révolutionnaire » (expression utilisée par Che Guevara lors de sa visite en Algérie en 1964) va succéder un ordre politique mettant en tête de ses priorités le rétablissement de l’autorité de l’Etat, l’édification d’un modèle de développement destiné à sortir l’Algérie du tiers-monde, la répartition équitable du revenu national, le lutte contre la gabegie. L’instauration de la démocratie libérale et la protection des libertés individuelles et collectives ne sont pas en revanche inscrites dans l’agenda politique du nouveau chef de l’Etat pour lequel la toute première hypothèque que l’Algérie doit lever est celle de son sous-développement. Aujourd’hui, il est de bon ton de faire grief au président Boumediène d’avoir cherché à imposer le socialisme contre la volonté des Algériens que leur histoire et leur vécu ne préparaient pas à adhérer à une idéologie de type socialiste ou collectiviste. Houari Boumediène a certes cherché à faire violence aux mentalités locales. Il refusait l’esprit de résignation, la léthargie qui avaient été la marque du peuple algérien des siècles durant. Pour comprendre Houari Boumediène qui s’identifia à l’Algérie des profondeurs, il faut être capable de prendre la mesure du degré d’aliénation infligé aux populations algériennes par la colonisation. Il faut également se rendre à l’évidence que l’occupation ottomane (XVIe-XIXe siècles) ne fut pas l’âge d’or accrédité par certains historiens pour mieux accabler la période coloniale. L’honnêteté intellectuelle commande de reconnaître que l’Algérie était profondément déstructurée au moment de la conquête coloniale et qu’elle ne présentait pas les caractères ni d’un Etat ni ceux d’une nation homogène(2). C’est assez souligner l’ampleur du défi que devait relever Houari Boumediène. Il fallait forger ex nihilo des institutions étatiques viables reposant sur un socle de mythes fondateurs qui ne pouvaient être que la religion musulmane, la langue arabe et la perpétuation du souvenir de la résistance populaire à l’oppression coloniale. Il fallait à la fois créer l’Etat et une nation moderne. C’est le lieu de rappeler que les aspects positifs d’une colonisation, quelle qu’elle soit — et si tant est qu’une colonisation de peuplement puisse avoir un impact positif sur les populations autochtones — ne se réduit pas à la construction d’infrastructures, lesquelles au demeurant avaient été conçues d’abord et avant tout pour la minorité européenne, même si, au travers des luttes sociales, menées à partir des années 1910 par le mouvement Jeunes Algériens, poursuivies, à la fin des années 1920 par la Fédération des élus musulmans, certaines catégories d’Algériens ont pu en profiter. Mais pour l’immense majorité des Algériens, la période coloniale fut une nuit(3). Dans la vision de Houari Boumediène, il y avait une part de revanche sur le destin que l’Algérie devait prendre. De tous les peuples de la région, le peuple algérien est celui qui a subi, à travers l’histoire, le plus d’humiliations, le plus d’injustices, celui dont la personnalité a été la plus profondément atteinte. Cette réalité historique, — souvent occultée, sinon perdue de vue — nous conduit immanquablement à soulever une nouvelle fois la question de la légitimité historique de Houari Boumediène. Ce dernier avait-il la légitimité historique nécessaire pour jeter les linéaments de l’Etat algérien post-colonial ? Appréhendée de la façon la plus classique, la légitimité historique appartient d’abord à celles et ceux qui sont tombés au champ d’honneur. Ensuite, il y a ceux qu’on appelle les « historiques ». Qui sont-ils ? Les membres du PPA/MTLD, de façon générale ? Les centralistes ? Les messalistes ? Les activistes (CRUA, OS) ? Ceux qui ont rejoint les rangs de l’ALN dès le premier jour de l’insurrection ? Ceux qui ont combattu les armes à la main l’armée française dès 1947 (tel Belkacem Krim) ? Le groupe des 22 et celui des 9 peuvent-ils se prévaloir d’une légitimité supérieure à celle des responsables du PPA/MTLD qui organisèrent l’insurrection populaire du 8 mai 1945 ? Les activistes auraient-ils pu déclencher la guerre de Libération nationale, si la révolution n’avait pas été pensée, conçue et préparée par l’Etoile nord-africaine (ENA), le PPA puis le MTLD ? Sans la lutte opiniâtre de Messali Hadj, Ferhat Abbès et des militants du PPA/MTLD emprisonnés par le gouvernement du socialiste Naegelen en 1948, après avoir été élus à l’Assemblée algérienne(4). A contrario, le fait pour Houari Boumediène d’avoir mis en place l’EMG, d’avoir rejoint la Wilaya V (la dernière à être entrée en guerre) et de ne pas avoir milité au sein du mouvement national, le prive-t-il de la légitimité historique ? A notre sens, la réponse est négative pour des raisons que nous exposerons plus loin. Cette légitimité est-elle affectée par les éliminations physiques pratiquées au sein de la Wilaya V, notamment au cours de l’année 1957, comme le prouvent des témoignages récents dignes de foi ? Comment répondre à cette récurrente et lancinante question ? Les exigences contradictoires du combat révolutionnaire, la compétition entre les chefs, les divergences relatives à la stratégie de la lutte armée expliquent sans les justifier les règlements de comptes entre soldats de l’ALN qui firent des milliers de victimes dans les rangs des combattants. H. Boumediène avait souvent admis dans ses discours que la Direction révolutionnaire avait dû se montrer intransigeante, voire implacable à l’égard de nos compatriotes. Mais il visait implicitement les récalcitrants à la lutte de Libération nationale, certainement pas les maquisards de l’ALN. Or, il est hélas admis que le colonel Boussouf a éliminé physiquement plus de djounoud de l’ALN qu’il n’a combattu de soldats français. Quelque peine qu’on en éprouve, c’est là une vérité irrécusable. Cependant, l’ensemble des exécutions qui se sont produites dans la Wilaya V avaient été décidées par Boussouf et confiées à de sinistres hommes de main. A notre meilleure connaissance, H. Boumediène n’a jamais été associé à ces macabres épurations. En revanche, on peut discuter le point de savoir s’il pouvait s’opposer à A. Boussouf, sans y laisser soit son grade soit sa vie. Or, un examen circonstancié de la situation, prévalant dans la Wilaya 5 de cette époque, montre que H. Boumediène ne pouvait pas contrebalancer l’influence de Boussouf auprès des moudjahidine. C’est bien plus tard, une fois que H. Boumediène prendra réellement en main l’EMG qu’il pourra, enfin, se débarrasser politiquement de Boussouf. La situation de la Wilaya V est-elle comparable aux purges qui affectèrent les autres wilayas ? Celle qui s’est le plus illustrée dans cette funeste dérive fut la Wilaya III, la plus ciblée, il est vrai, par les services secrets français. Seule la Wilaya II y a échappé. Il convient sans doute de faire le départ entre des purges motivées par la nécessité de traquer des agents doubles (il y en avait un certain nombre en Wilaya III) et l’élimination physique de djounoud irréprochables dont la Wilaya V a trop souvent été le théâtre, après le départ de Larbi Ben M’hidi et en dépit de l’attitude exemplaire du brave colonel Lotfi(5). On ne peut juger de la légitimité d’un homme politique à l’aune de critères abstraits. Les historiens qui contestent la légitimité révolutionnaire de H. Boumediène savent parfaitement quelles ont été les vicissitudes du combat révolutionnaire. Alors que l’Algérie a fait le choix d’arracher son indépendance par les armes et non par le recours à la négociation (à la différence de nos deux voisins immédiats et de la totalité des pays de l’Ancienne Afrique noire française), c’est paradoxalement le « politique » installé à l’extérieur qui va engranger les dividendes des sacrifices consentis par les moudjahidine de l’intérieur. Ce n’est pas l’EMG qui a précédé le GPRA ou le CNRA dans ce dévoiement singulier de la Révolution algérienne. Si déficit de légitimité il y a, les premiers à devoir encourir ce grief sont le GPRA et la CNRA qui ont créé, en 1960, l’EMG. A l’évidence, l’EMG ne procédait pas d’un coup d’Etat. On a, par ailleurs, prétendu que le deuxième CNRA (août 1958) avait constitué un précédent fâcheux qui aurait ouvert la voie au cycle de révolutions de palais, caractéristique de la dérive prétorienne du mouvement révolutionnaire. Sur ce point également, le manque de rigueur et d’objectivité des historiens laisse pantois. Doit-on rappeler qu’à l’occasion du 2e CNRA, les colonels de l’ANP voulaient vider de leur substance les résolutions du Congrès de la Soummam et isoler Abane. Sauf à verser dans l’anachronisme, quel point commun peut-on trouver dans cet évènement, certes majeur de notre histoire récente, avec le coup d’Etat du 19 juin 1965, majoritairement approuvé par la population et qui visait à mettre fin à l’anarchie créée par Ben Bella. Ceci dit, contrairement à ce que soutient l’historien Gilbert Meynier, H. Boumediène n’a jamais cherché à subvertir le mouvement national armé pour en faire un outil prétorien à son service(6). H. Boumediène s’est toujours montré respectueux de la légalité révolutionnaire. Au rebours de ce qu’affirme G. Meynier, H. Boumediène n’a jamais été un cynique obnubilé par la conquête du pouvoir. En outre, il est inexact de dire qu’il n’aurait cherché à se déprendre de la tutelle de A. Boussouf que pour mieux voler de ses propres ailes(7). A partir de quel moment devient-il un rebelle ? Au moment où il constate que le mouvement révolutionnaire est miné par les querelles internes et les dérives clientélistes. Celles-ci sont alimentées par les luttes de pouvoir au sein des différentes institutions de la révolution : GPRA, CNRA, CIG. Si perversion de la révolution il y eut, celle-ci était la marque de fabrique du colonel Boussouf et de certains éléments du Département des communications et liaisons générales (DCLG), ancêtre du MALG. Le colonel H. Boumediène y était totalement étranger(8). Parce qu’il avait la prescience des événements, H. Boumediène acquiert la certitude que l’indépendance de l’Algérie peut déboucher sur une guerre civile qui ôtera beaucoup de sa raison d’être au combat libérateur contre le colonialisme français. Il possède une connaissance intime des mécanismes du pouvoir, juge avec mépris le GPRA qui a abandonné à leur sort les wilayas de l’intérieur ainsi que l’alliance insolite nouée entre les colonels Boussouf, Krim et Bentobbal. Par ailleurs, il considère le CNRA comme un rassemblement hétéroclite de parvenus en quête de protecteurs dans la perspective de l’indépendance et de la prise du pouvoir à Alger. Enfin, il se résout à se distancier du MLGC, devenu le MALG en 1960, qu’il soupçonne d’avoir livré aux services secrets français l’itinéraire des colonels Amirouche, Si Haouès et Si M’Hamed, alors qu’ils se dirigeaient vers Tunis pour présenter leurs doléances indignées au GPRA, et, plus tard, du colonel Si Salah, commandant de la Wilaya 4, après son entrevue avec le général de Gaulle, à l’Elysée (1960). Les deux premiers furent tués par l’armée française le 29 mars 1959, le troisième dans des conditions obscures le 5 mai 1959 et enfin, le quatrième a été également exécuté par l’armée française, au cours de son trajet vers Tunis pour s’expliquer avec le GPRA, le 20 juillet 1961. Ce que nombre d’historiens persistent à ne pas vouloir saisir est que H. Boumediène avait une vision d’homme d’Etat et qu’il était le seul, dans les circonstances de l’époque, à l’incarner (Abane et Ben M’Hidi ne sont plus là). Quant « aux historiques », ils se complaisaient dans des jeux politiciens purement égotistes mais dangereux qui préfiguraient la crise de l’été 1962. H. Boumediène, lui, pensait déjà édification d’un Etat indépendant fort et respecté, justice sociale, récupération des richesses nationales, libération des fellahs, rôle central de l’Algérie au cœur du monde méditerranéo-arabe.
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Re: Houari Boumediene

Message par l'adjudant/chef »

Les contradictions paroxysmales de la construction d’un État moderne


C’est une loi d’airain que l’argument relatif à l’échec d’une expérience politique ne puisse être recevable qu’a posteriori. Sans doute, H. Boumediène, qui s’enorgueillissait d’avoir éclos de l’Algérie profonde, avait-il, paradoxalement, sous-estimé les résistances de la population algérienne aux réformes de structures qu’il voulait leur imposer. De la même manière, il n’avait pas pris suffisamment la mesure du faible degré d’adhésion des appareils bureaucratiques à la politique socialiste. Ces appareils se sont souvent heurtés aux producteurs directs (notamment les fellahs) qui finirent par développer une stratégie d’émancipation affranchie à l’égard des mots d’ordre et des oukases de l’administration(9). Dans le domaine culturel, Houari Boumediène avait dû faire des concessions au courant islamo-conservateur. Ces concessions se sont traduites par une arabisation de l’enseignement au rabais, démagogique, voire outrancière (malgré les réserves du ministre de l’Enseignement primaire et secondaire de l’époque, Abdelkrim Benmahmoud), alors que l’Algérie était de tous les pays arabes celui qui avait le moins vocation à généraliser l’usage de la langue arabe, compte tenu de l’insignifiance de ses moyens (outils pédagogiques, nombre et qualité des enseignants, place prépondérante de la langue française dans les secteurs de l’administration, de l’économie et de la culture). Quant à l’islamisme politique, il était déjà présent dans la société algérienne au milieu des années 1970. Bien que régulièrement alerté par les services de sécurité sur les dangers potentiels que recelait la montée subreptice de ce phénomène, le président Boumediène l’avait relativisé, considérant qu’il parviendrait à le maîtriser une fois qu’il se sera hissé au-dessus des clans et des factions, c’est-à-dire, dans son esprit, après son élection à la magistrature suprême(10). Quoi que l’on puisse penser de cette vision (résolument optimiste), il est indéniable que le président Boumediène n’a, à aucun moment, cherché à instrumentaliser les « constantes nationales » à des fins politiques ou politiciennes, à la différence de son successeur immédiat. Houari Boumediène se trouvait en réalité au cœur d’une contradiction insurmontable. Il voulait, à la fois, propulser l’Algérie au devant de la scène arabe et méditerranéenne, la faire accéder à marche forcée au développement économique, social et culturel, redonner leur dignité aux Algériens, tout en pressentant de plus en plus nettement, le temps et l’expérience aidant, qu’aucune société n’est manipulable à discrétion et que tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse(11). A la décharge de H. Boumediène (ce dont ses multiples contempteurs gagneraient à se rappeler), il y avait l’obligation pour lui de se conformer à un dogme immarcescible, celui posé sous forme de résolutions et de directives par le Congrès de Tripoli (1962) et la Charte d’Alger (1964). Les historiens occultent également, le plus souvent de façon délibérée, que H. Boumediène entendait demeurer l’ordonnateur des grands principes proclamés à l’occasion du Congrès de la Soummam (août 1956), eux-mêmes issus de la Déclaration du 1er novembre 1954. En vertu de l’ensemble de ces tables de la loi, l’Etat algérien de l’indépendance devait revêtir les aspects suivants :
a. un Etat socialiste ;
b. un Etat démocratique (par-delà les ambiguïtés que charriait la notion de démocratie) ;
c. un Etat dont l’appartenance au monde arabo-islamique était indiscutable, étant entendu que l’Algérie avait un tropisme méditerranéo-occidental la singularisait, tout comme le Maroc et la Tunisie, des autres Etats arabes et que sa berbérité constituait une composante essentielle de son identité. Ceci, sous réserve que cette appartenance (telle était, en tout cas, la volonté de Abane) puisse favoriser, grâce à la complète intégration de la minorité européenne, l’émergence d’un Etat multiethnique, multiconfessionnel et multilingue, à l’instar du Liban(12). Quoi qu’il en soit, c’est dans la fidélité aux principes réitérés depuis 1954 que H.Boumediène entreprend d’édifier l’Etat algérien. Surtout, il voulait construire un socialisme spécifique, aux couleurs de l’Algérie, même si cette ambition se ressentait de l’influence des pays socialistes de l’Europe de l’Est. Il était cependant exclu idéologiquement et politiquement que H. Boumediène s’engageât sur une voie libérale de développement, alors que faisaient cruellement défaut les institutions de l’économie de marché (à la différence de la Tunisie et du Maroc où la colonisation n’avait pas fait obstacle à l’essor d’une catégorie d’entrepreneurs autochtones). Au surplus, les forces politiques et sociales algériennes, les élites intellectuelles et nombre de spécialistes et d’experts étrangers dont la bienveillance à l’égard de l’Algérie était d’autant moins suspecte qu’ils avaient, en leur temps, réclamé l’indépendance de notre pays, plaidaient quasiment tous pour la voie de développement non capitaliste(13). Il y avait, par ailleurs, unanimité dans l’opinion publique pour affirmer que l’Algérie ne pouvait se développer, s’industrialiser, donner l’éducation et la culture pour tous, libérer le fellah, s’auto-suffire sur le plan alimentaire qu’en tournant résolument le dos aux options économiques libérales. Seulement, toutes ces élites et ces experts bien pensants, aujourd’hui fort critiques à l’égard de l’héritage laissé par H. Boumediène, n’ont jamais été en mesure de fournir le modus operandi indispensable de la voie de développement non capitaliste. Les idées générales et les poncifs de toutes sortes tenaient lieu de panacée pour nombre d’apprentis sorciers parmi lesquels figurent les industrialistes parrainés par B. Abdesslam. C’est le président Boumediène, seul, ayant pris conscience de l’inadaptation foncière du modèle de développement non capitaliste aux structures économiques et sociales de l’Algérie qui décide de faire accomplir, à partir de septembre 1976, un véritable virage à 180 degrés à la politique économique, sociale et culturelle du pays. Dans une solitude impressionnante, H. Boumediène s’impose de revoir en profondeur les options qu’il s’était engagé à mettre en œuvre au milieu des années 1960 : industrialisation lourde, Révolution agraire, GSE, arabisation, rapport de l’Etat avec le religieux, etc.), sans disposer d’un outillage conceptuel alternatif. Son intelligence, son intuition, sa culture politique et historique, son exceptionnelle capacité de travail ont été ses seules armes pour tenter de remettre le pays sur les rails. Deux hommes avaient pourtant essayé, mais en vain, de le convaincre d’abjurer une vision dogmatique et doctrinaire de l’option socialiste : Kaïd Ahmed et Ahmed Medeghri. Il s’agissait indéniablement de deux grands serviteurs de l’Etat, lucides, courageux, intègres et nationalistes, mais fondamentalement portés par la conviction qu’il fallait abandonner l’étatisme, dès 1970, ce que H. Boumediène jugeait prématuré, le projet socialiste n’existant encore, selon lui, que dans les limbes. Le destin tragique de l’ancien responsable de l’appareil du parti et de l’ancien ministre de l’Intérieur auquel H. Boumediène fut résolument étranger, contrairement à ce que certaines rumeurs ont laissé entendre, l’a profondément marqué, accentuant davantage son isolement au milieu de clans et de factions uniquement soucieux de profiter de l’échec de sa politique pour conforter leur emprise sur les appareils d’Etat. Est-ce d’ailleurs un hasard si la campagne de déstabilisation de H. Boumediène est orchestrée, depuis les sommets de l’Etat, à partir de 1977 par des hommes que H. Boumediène avait décidé d’écarter, à l’occasion de IVe Congrès du FLN. Curieusement, le responsable des services secrets de l’époque n’était autre que le défunt Kasdi Merbah que l’on a toujours présenté comme un proche de H. Boumediène et même son principal homme de confiance. Ne lui revenait-il pas d’exercer un rôle de protection de H. Boumediène et de prévention des crises ? Rétrospectivement, la vigilance de H. Boumediène qui avait pourtant identifié ses adversaires au niveau des sphères dirigeantes a été prise en défaut, nonobstant la toute puissance prêtée alors à la Sécurité militaire. Il subsiste indéniablement un mystère au sujet de cet épisode qui eût entraîné une véritable redistribution des cartes politiques, du vivant même de H. Boumediène. Et la question reste posée à ce jour de savoir, dans l’hypothèse où cette tentative de déstabilisation avait été mise en œuvre, si le président H. Boumediène eût trouvé la parade pour la conjurer.

III) L’INACHèVEMENT DE LA MISSION DE HOUARI BOUMEDIèNE

La rupture fondatrice commence en avril 1977 avec la restructuration profonde du gouvernement. Dans tous les domaines, H. Boumediène voulait faire accomplir à la société un profond aggiornamento : enseignement, culture, agriculture, industrie, habitat, aménagement du territoire, place de la religion dans la société, transformation du FLN en parti d’avant-garde, ouverture politique aux forces progressistes, amorce d’une rupture avec la vision de la politique étrangère qui avait prévalu jusque-là. Pour parvenir à ses fins, H. Boumediène avait besoin de temps. Or, dès l’été 1978, il tombe gravement malade et ne pourra, jusqu’à sa mort le 27 décembre 1978, reprendre les choses en main. Dans un article précédent (« Houari Boumediène ou l’histoire d’un destin contrarié », El Watan du 27 décembre 2006), nous avons exposé les différentes réformes que H. Boumediène voulait entreprendre d’ici 1990. Nous les reprendrons ici en substance :
a. adoption d’un nouveau modèle de développement plus adapté aux réalités nationales ;
b. adoption du planning familial pour stopper l’élan démographique, un des plus élevés au monde ;
c. révision en profondeur de la Révolution agraire et de la Gestion socialiste des entreprises ;
d. gel de l’arabisation et refonte totale du système éducatif ;
e. politique d’aménagement du territoire et développement de l’habitat social ;
f. réorganisation complète du FLN ;
g. rupture avec l’isolement international de l’Algérie qui avait alors atteint son point d’incandescence avec l’affaire du Sahara occidental ;
h. mise à l’écart d’une grande partie de l’encadrement politico-administratif du pays. Le personnel politique favorable à H. Boumediène était minoritaire dans l’appareil de l’Etat et au sein du Parti. On entend parfois certains lui reprocher rétrospectivement de ne pas avoir désigné de successeur. L’eût-il fait que rien n’autorise à penser que ce dernier aurait été adoubé par les nouveaux maîtres du pays. Ce qui est en revanche certain c’est que l’homme qui lui a succédé était promis à une retraite anticipée par la volonté de Boumediène, au même titre que d’autres responsables civils et militaires, alors que c’est avec l’appui inconditionnel du défunt Kasdi Merbah que Chadli accédera à la magistrature suprême. Peut-on, par ailleurs, faire grief à H. Boumediène de ne pas avoir assuré la pérennité des institutions qu’il avait mises en place ? Au sortir d’une période coloniale de 130 ans venue s’ajouter à la longue nuit ottomane, il aurait fallu 50 ans pour bâtir des institutions sociales et politiques durables. En 2008, l’Etat algérien est encore largement un Etat inachevé. H. Boumediène était parfaitement conscient que le substrat social algérien était inadapté à la démocratie occidentale, que la priorité était à l’affirmation de l’unité nationale, compte tenu des divisions linguistiques, régionales, sociales et culturelles léguées par plusieurs siècles d’histoire(14). Pour H. Boumediène, il fallait forger une identité collective algérienne. Il entendait passer à une étape ultérieure, à condition que l’Algérie eût d’abord décollé économiquement et culturellement. Ce faisant, il fallait favoriser une autonomie plus grande des sous-systèmes, incruster progressivement la sécularisation culturelle et poser les linéaments du développement politique de l’Algérie, caractérisé jusqu’alors par le faible degré de différentiation structurelle. La mise en place des APC en 1967, des APW en 1969 puis de l’APN en 1976, à côté d’institutions consultatives d’envergure comme le CNES créé en mars 1968 n’y avait pas suffi(15). ( A suivre)

L’auteur est : Professeur d’université

Références :

1) « Autour de la personnalité de Boumediène », Entretien de P. Balta avec M. Ch. Mesbah in Le Soir d’Algérie du 4 janvier 2007.
2) X. Yacono, Histoire de l’Algérie de la Régence turque à l’insurrection de 1954, Paris, 1993.
3) F. Abbès, La Nuit coloniale, Paris, 1962.
4) M. Harbi, Le FLN. Mirage et réalité. Des origines de la prise du pouvoir (1945-1962), Editions JA, 1985.
5) G. Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Casbah Editions, Alger, 2003
6) Ibidem, p. 393
7) Ibid. Sous toutes ces réserves, on ne peut que rendre hommage à la qualité exceptionnelle de cet ouvrage conçu et rédigé sur la base de documents d’archives irrécusables rassemblés avec une patience de bénédictin.
8) V. S. Cheikh, L’Algérie en armes ou le temps des certitudes, OPU, 1981, pp. 385 et ss.
9) Cf Claudine Chaulet, Les Frères, la terre et l’argent, OPU, Alger, 1986.
10) H. Sanson, La laïcité islamique en Algérie, CRESM/CNRS, Paris, 1983.
11) K. Ammour, C. Leucate et JJ. Moulin, La Voie algérienne. Les contradictions d’un développement national, Maspéro, Paris, 1974.
12) Cette condition n’est plus remplie en 1965, les Accords d’Evian ayant été vidés de leur substance dès l’indépendance de l’Algérie.
13) G. Destannes de Bernis, « Industries industrialisantes et les options algériennes », Revue Tiers monde, Juillet Septembre 1969.
14) V. Samy Ousi-Ali, « Les derniers jours de Boumediène », El Watan du 9 décembre 2007.
15) Yadh Ben Achour, Politique, religion et droit dans le monde arabe, Tunis, Cérès Production, 1992 ; M. Harbi, L’Algérie et son destin. Croyants ou citoyens, Arcantère, Paris, 1992.

El Watan
HOUARI BOUMEDIÈNE
Histoire d´une légende


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«Les expériences humaines dans bien des régions du monde ont démontré que les liens spirituels (...) n´ont pas pu résister aux coups de boutoir de la pauvreté et de l´ignorance pour la simple raison que les hommes ne veulent pas aller au Paradis le ventre creux. (...) Les peuples qui ont faim ont besoin de pain, les peuples ignorants de savoir, les peuples malades d´hôpitaux.» Discours de Boumediène à la Conférence des États islamiques à Lahore en 1974.

27 décembre 1978, le destin de l´Algérie bascule, une fois de plus. Le président Boumediène décède. Ce fut véritablement un choc bien que l´opinion fut préparée à cette douloureuse issue. Qui était Houari Boumediène qui fascine tant les jeunes et moins jeunes? Certains retiennent le fameux "Kararna ta´emime el mahroukate": "Nous avons décidé la nationalisation des hydrocarbures". Par cette phrase, Boumediène annonçait à la face du monde que l´Algérie tenait en main son destin énergétique. Est-ce ce leader qui, pour la première fois, à la tribune des Nations unies, militait pour un Nouvel ordre économique international plus juste, où les matières premières seraient payées à un prix juste? Mohammed Boukharouba, qui prendra le nom de Houari Boumediène, a vu le jour à Aïn Hasseïnia, près de Guelma le 23 août 1932. Né dans une famille de paysans pauvres, il symbolise par sa naissance la pluralité de l´Algérie dans sa double composante identitaire: son père était arabophone et sa mère berbérophone. Il incarnait ainsi, vraiment, l´Algérie dans sa diversité. Il a passé son enfance, en effet, parmi les fellahs dont il a conservé la rusticité.

De Cheikh Raymond à Driassa
Il avait rejoint, avance Paul Balta, à six ans, l´école primaire française. Ses parents l´avaient mis aussi, parallèlement, dans une école coranique où il apprendra, parfaitement, les soixante versets du Livre saint de l´Islam. Il est entré, peu après, à la médersa El Kittania de Constantine où l´enseignement était dispensé, totalement, en arabe. Il est certain, cependant, qu´il avait déjà contracté le goût de la lecture, en français. Il l´a, vraisemblablement, conservé toute sa vie. Certains témoins m´ont rapporté qu´il lui arrivait de réciter, mais dans un cadre restreint car il était très pudique, "La mort du loup" d´Alfred de Vigny. Au cours de nos tête-à-tête, il est advenu qu´il recourt, pour étayer son argumentation, à des ouvrages français, ceux de Jacques Berque.Il avait évoqué l´Egyptien Taha Hussein. Ses lectures étaient très éclectiques mais portaient, essentiellement, sur les chroniques d´histoire politique, les biographies d´hommes d´Etat, des recueils de poésies arabe et française. Pour ce qui concerne ses goûts musicaux, j´ai déjà évoqué sa faiblesse pour le flamenco du temps de l´état-major. J´ai appris que devenu chef de l´Etat, il écoutait, religieusement, "le concerto d´Aranjuez", réminiscence, sans doute, d´un attachement profond à l´Andalousie musulmane. Cela ne l´empêchait pas de goûter à toute la panoplie de la chanson algérienne, notamment les mélodies de Aïssa El Djarmouni voire les chansons à thème politique de Rabah Driassa sans oublier les mélopées de Cheikh Raymond. «Il est certain que Boumediène était profondément convaincu de la nécessité de rétablir la langue et la culture arabes dans leur statut souverain en Algérie. Il avait grand soin à ce que ses discours officiels soient rédigés dans la langue arabe. Par contre, il faisait preuve d´une grande ouverture d´esprit pour la culture occidentale en général dont il voulait promouvoir les rapports d´échanges avec la pensée arabe et musulmane».(1)
"Discret mais efficace, timide mais fier, réservé mais volontaire, autoritaire mais humain, généreux mais exigeant, prudent dans l´audace, voilà comment m´est apparu Boumediène lorsque j´ai eu à le connaître et à l´observer. Homme du soir, il aimait se retrouver, de temps à autre, tant qu´il était encore célibataire, avec quelques amis auprès desquels il se montrait enjoué et rieur, selon ce que m´ont affirmé plusieurs d´entre eux. Il aimait jouer, aussi, aux échecs sans être un joueur émérite. Ses goûts gastronomiques étaient sans prétention et, en fait, il avait fini par contracter l´habitude des plats servis dans l´armée. Il évitait, systématiquement, les sucreries mais raffolait des galettes de pain faites à la main. En fait, aucun luxe n´avait prise sur lui, sinon celui de fumer. Président de la République, il opte, cependant, pour les cigares cubains que lui envoyait Fidel Castro. Avec le burnous en poil de chameau, c´est le seul luxe qu´il se soit permis".(1)
"Il était animé par une profonde conviction, l´argent de l´État appartenait à la nation et ne devait pas être dilapidé. Cette conviction a guidé son comportement, de bout en bout de sa vie. Devenu président de la République, il usait toujours de son seul salaire et s´interdisait les dépenses somptuaires qu´il aurait pu facilement imputer au budget de l´État. Lorsqu´il lui arrivait de se rendre à l´étranger, il s´interdisait tout aussi bien les achats luxueux. Contrairement à certains chefs d´État d´autres pays arabes, il ne s´était pas fait construire ni un ni plusieurs palais luxueux, ni en Algérie ni à l´étranger. Sachant que je connaissais bien les pays du Golfe où j´avais effectué de nombreux reportages, il m´avait raconté qu´un des émirs lui avait offert une de ces voitures rutilantes et luxueuses qu´il avait aussitôt fait parquer dans un garage. Son chauffeur me l´avait montrée. Après sa mort, elle était toujours sur cales, inutilisée...A sa mort, ses détracteurs ont découvert, avec étonnement, qu´il ne détenait aucun patrimoine immobilier, aucune fortune personnelle et que son compte courant postal était approvisionné à hauteur, seulement, de 6000 dinars...Il était très réticent à évoquer sa vie privée. Je sais toutefois qu´il était très attaché à sa mère et lui donnait pour vivre une partie de son salaire. Des témoins m´ont néanmoins raconté qu´il s´était disputé avec elle, alors qu´elle était en vacances à Chréa, une station d´hiver proche d´Alger. Sa mère lui avait demandé, en effet, de faire exempter son frère cadet Saïd des obligations du service national. Houari Boumediène opposa un refus catégorique. Quelque temps plus tard, en effet, Saïd qui fit ses études à l´Ecole nationale polytechnique, le frère cadet accomplissait, dans des conditions très ordinaires, son service national..."(1)
"Boumediene entretenait des rapports empreints de courtoisie, pour le moins de correction, avec ses collaborateurs. Qu´il s´agisse de ministres, de conseillers, de secrétaires, de gardes du corps ou de chauffeurs, il se comportait avec une égale humeur, une grande sérénité et des gestes pondérés. Cela ne l´empêchait pas, sur le plan du travail, d´être des plus exigeants, tout comme il l´était avec lui-même. Boumediène était guidé par un souci permanent de préserver l´unité nationale - à telle enseigne qu´il avait interdit que les notices biographiques officielles des responsables comportent leur lieu de naissance- supervisait, de loin mais attentivement, cet ensemble en prenant soin de déceler, au passage, les compétences qu´il savait récupérer à son service, mais surtout en veillant à ce que le népotisme et le régionalisme ne soient pas érigés en règle au niveau des institutions et des grands corps de l´Etat. Il savait aussi se mettre à l´écoute de ses collaborateurs et pratiquait le travail en équipe. Probablement, l´usage du burnous, habit traditionnel en Algérie, comportait-il, pour lui, une signification symbolique particulière, une manière d´afficher l´identité retrouvée du peuple algérien. Le protocole demeurait, autrement, assez sobre, sans aspect ostentatoire..."(1)
"Encore une fois, l´essentiel, pour lui, était de mobiliser le peuple et d´assurer le succès du triple objectif qu´il s´était fixé, construire l´État, parfaire l´indépendance politique par la récupération des richesses nationales, poser les bases du décollage économique. Il est incontestable que vers la fin de son règne, Boumediène avait été gagné au goût de l´action diplomatique. Il voulait donner à l´Algérie une place qu´elle n´avait jamais occupée auparavant sur la scène internationale. Le Sommet des Non-Alignés de 1973 a constitué une étape fondamentale qui a servi de tremplin. L´apothéose de ce redéploiement diplomatique fut, incontestablement, la participation de Boumediène, en avril 1974, à la session spéciale de l´Assemblée générale de l´ONU où il a prononcé un discours mémorable sur le Nouvel ordre économique international." "Boumediène, sachant que l´armée, au lendemain de l´Indépendance, serait la seule force soudée et homogène, capable d´impact sur le terrain, a réussi l´intégration des wilayate au sein de la nouvelle Armée nationale populaire. Ce n´est pas si peu dire. Il a été, incontestablement, le fondateur de l´Armée algérienne, au sens moderne du terme. Il entrait, parfaitement, dans ses projets d´avenir, de remplacer les cadres hérités de la guerre de Libération nationale, par des officiers issus, soit des écoles de Cadets de la Révolution, soit des bancs de l´université puisque les portes des forces armées leur avaient été ouvertes".(1)
Ces mêmes cadets auprès de qui Boumediène venait les week-end à Koléa pour s´enquérir de l´avancement de leur scolarité. Il fut donné à l´auteur de ces lignes, enseignant en tant que sous-lieutenant dans le cadre du service national, d´apercevoir le Président s´enquérir de la scolarité de plusieurs cadets dont il était le tuteur.
S´agissant de ses relations avec la France, De Gaulle fut un visionnaire. L´homme du 18 juin 1940 avait déjà compris les motivations de celui qui deviendra l´homme du 19 Juin 1965". "Boumediène avait de l´admiration pour de Gaulle, ce visionnaire, rénovateur de la politique arabe de la France". Il a, publiquement, confirmé ce jugement dans son message de condoléances, à la mort du général en 1970: "Je m´incline devant le patriote exceptionnel qui a su concevoir, dans une vision noble et généreuse (...), l´avenir des peuples algérien et français".
"Boumediène, écrit Ali Mebroukine, a toujours été respectueux de la légalité révolutionnaire. On va voir qu´à travers les profondes réformes engagées sur le terrain, c´était tout un projet de société que H.Boumediène entendait mettre en oeuvre. Quelque opinion qu´on ait du bilan du président Boumediène, force est de constater que la récupération des richesses naturelles (1966 et 1971), la Révolution agraire, la démocratisation de l´enseignement donnaient un contenu concret aux principes contenus dans la proclamation du 1er Novembre 1954; autrement dit H.Boumediène n´a eu de cesse de rester fidèle à la raison d´être même du combat mené par le peuple algérien pour se libérer de la domination coloniale et accéder enfin à la dignité et au bien-être. Un an et demi avant sa mort, le président H. Boumediene remanie les structures du gouvernement, revient sur le modèle économique en vigueur, décide de mettre fin à une politique d´arabisation outrancière et démagogique (la désignation de Mostefa Lacheraf comme ministre de l´Enseignement fondamental est emblématique à cet égard), instaure un numerus clausus à minima à l´entrée de l´université pour prévenir sa clochardisation. Ces mesures annonçaient des réformes de structure plus profondes qui devaient être initiées à partir de 1979. Le président Boumediène était porteur d´un projet de transformation de la société algérienne. A cet égard, il est indéniable que le président Boumediène n´a pas pu se hisser au-dessus des clans et des factions qui étaient à l´oeuvre au sein des appareils d´Etat et qu´il n´a pu empêcher le jeu des forces centrifuges qui cherchèrent à le déstabiliser, à partir de 1977, sitôt qu´il eut exprimé sa détermination de "nettoyer les écuries d´Augias". Le président Boumediène était indéniablement un homme d´Etat auquel avait fait défaut la plus précieuse et la plus rare des ressources dont aucun bâtisseur ne peut se passer, le temps".(2)

Projets de réformes
Boumediène projetait justement des réformes qu´il n´eut pas le temps de réaliser. Paul Balta écrit: "J´avais rencontré Boumediène, fin août 1978, pour lui faire mes adieux. Il avait exprimé sa déception et vivement insisté pour que je reste: "Vous avez vécu la mise en place des institutions, il faut aller jusqu´au bout. Il va y avoir des changements importants. J´envisage pour la fin de l´année ou le début de 1979, un grand congrès du parti. Nous devons dresser le bilan, passer en revue ce qui est positif mais surtout examiner les causes de nos échecs, rectifier nos erreurs et définir les nouvelles options. Témoin de notre expérience, vous êtes le mieux placé pour juger ces évolutions."Intrigué, je lui avais posé quelques questions: "Envisagez-vous d´ouvrir la porte au multipartisme? D´accorder plus de place au secteur privé? De libéraliser la presse? De faciliter l´organisation du mouvement associatif?" Il avait esquissé un sourire qui allait dans le sens d´une approbation: "Vous êtes le premier à qui j´en parle, je ne peux être plus explicite pour le moment, mais faites-moi confiance, vous ne serez pas déçu" ".(1)
Curieusement, après la mort de Boumediène, il s´est produit une déboumédienisation rampante et les mêmes laudateurs de la période précédente devinrent des Fouquier-Tinville en puissance. Tout fut démonté, au propre comme au figuré. Curieusement aussi, le personnage de Boumediène n´a jamais fait l´objet d´une étude de son action. A tous les détracteurs, qu´il suffise de retenir les données objectives suivantes: de 1965 à 1978, date de la mort de Boumediène. l´Algérie a engrangé, en 13 années, l´équivalent de 22 milliards de dollars. Ce qui a permis d´asseoir une industrie chimique, une industrie mécanique, une industrie sidérurgique. 30 ans après, il ne nous reste que l´outil de raffinage (22,5 millions de tonnes) et pétrochimique. Nous sommes bien contents de l´avoir car, depuis, nous n´avons pratiquement rien investi dans l´aval. Tout a été investi dans l´amont pour rendre plus facilement exportables les hydrocarbures liquides et gazeux et être des bons élèves de l´Occident au détriment de nos obligations vis-à-vis des générations futures. Depuis 1979, l´Algérie a engrangé près de 400 milliards de dollars dont 59 milliards de dollars pour 2007. Qu´avons-nous fait???
Il est donc malvenu, objectivement, de nier ce qui a été accompli par le président Boumediène. Naturellement et comme tout homme, Boumediène avait sa part d´ombre et avait fait des erreurs, dit-on, dans l´agriculture, il n´empêche que ses idées étaient généreuses et il ne profita pas de sa position pour s´enrichir. Pour avoir donné des motifs de fierté aux Algériennes et Algériens. Pour avoir entretenu l´aura de la Révolution algérienne contre vents et marées. Pour avoir simplement fait son devoir, il quitte l´histoire, il entre dans la légende. L´Algérie a plus que jamais soif d´Algériens de sa trempe pour lui redonner espoir.

* Ecole nationale polytechnique
* Ecole d´ingénieurs de Toulouse

1.Paul Balta. Interview http://www.lesoirdalgerie.com/pdf/2007/ ... en0107.pdf
2. Ali Mebroukine: Houari Boumediene où l´histoire d´un destin contrarié http://www.elwatan.com. 27/12/2006
Boumediene vu par Chadli
« La mort de Boumediene ressemble à celle de Arafat »


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L’ancien président algérien, Chadli Bendjedid, a indiqué dans une interview accordée à El Khabar que les circonstances de la mort du président Houari Boumediene ressemblent à celle de Yasser Arafat. Il a regretté le fait que plusieurs politiques soutiennent ce dernier lorsqu’il s’agit des points positifs de son mandat et le descendent dès qu’il s’agit de parler des points négatifs de cette même période.

El Khabar : Monsieur Chadli, il est rare qu’un président évoque un autre président qui l’a précédé ou remplacé, cela vous dérange-t-il de parler du président Houari Boumediene ?

Chadli Bendjedid : Jamais de la vie. Avant d’être président, Boumediene était mon compagnon d’armes et un ami dont j’étais fier. Trois décennies après sa mort, il est regrettable qu’on ne lui accorde pas tout l’intérêt et la considération qu’il mérite, à part quelques rencontres circonstancielles qui ont lieu une fois l’an, à dessein politique. Je regrette aussi que de nombreux hommes politiques se drapent du manteau de Boumediene, lorsqu’il s’agit d’évoquer les aspects positifs de son époque, puis s’en lavent les mains lorsqu’on parle des points négatifs de cette période.

El Khabar :Revenons, s’il vous plaît, au Boumediene que vous avez connu.

Chadli Bendjedid : La plupart des gens ont une fausse image de Boumediene. Il était replié sur lui-même, réservé et timide. Il était peu bavard et écoutait plus qu’il ne parlait. De plus, il ne prenait pas de décisions avec empressement mais consultait son entourage. Cependant, il savait se montrer strict et efficace lorsqu’il s’agissait de l’intérêt du pays. Les gens ont de Boumediene l’image d’un dirigeant autoritaire et totalitaire. Il n’était pas comme ça… Que ce soit dans l’armée, le Conseil de la révolution ou le gouvernement, Boumediene consultait ses adjoints pour les plus importantes décisions. Après sa mort, certains ont tenté d’éluder leurs responsabilités dans la prise de décisions collectives, dont l’échec a été imputé à Boumediene.
Je veux assurer que nous assumons tous les grandes décisions de l’ère Boumediene, avec ses aspects positifs et négatifs.

El Khabar : On reproche à Boumediene ses choix concernant les grandes options du pays, contentons-nous de sa position sur deux questions : l’arabisation et l’islam.

Chadli Bendjedid : Boumediene s’est intéressé à l’arabisation, car il était convaincu que la restauration de la langue arabe était une revendication du mouvement national, mentionnée dans tous les documents officiels de la Révolution algérienne. Durant son mandat, l’administration et la justice ont été arabisées, et une politique globale a été tracée pour l’arabisation progressive de tous les paliers de l’enseignement. Cela dit, il appelait aussi à l’ouverture aux autres langues et les autres cultures, dans la mesure où elles pouvaient servir la langue arabe.
Boumediene avait une foi profonde, et il tenait à appliquer les principes de la charia (loi islamique), et à les adapter à l’option socialiste. Il ne faut pas perdre de vue qu’il avait étudié à El Azhar, et il considérait que l’islam est la religion de la justice sociale et de l’égalité en droits et devoirs

El Khabar :Pouvons-nous vous parler des derniers jours de sa vie, et avez-vous des doutes sur les circonstances de sa mort ?

Chadli Bendjedid : Je ne peux pas tranché sur cette question, est-il mort de façon naturelle ou bien empoisonné. Cependant, j’ai le sentiment que sa mort ressemble à la mort de Yasser Arafat. Durant les dernières années de sa vie, il me rendait visite à Oran, au siège de la deuxième région militaire, et je remarquais des marques d’épuisement sur son visage, il ressentait certaines douleurs mais il ne s’en plaignait pas.
A son retour de Damas, après la réunion du Front de résistance et de défi, Boumediene n’apparaissait plus en public, ensuite il a été transféré à Moscou pour y être soigné, mais sa maladie s’est aggravée, et après son retour, il est mort le 27 décembre 1978.

El Khabar : Pouvons-nous vous demander comment vous lui avez succédé ?

Chadli Bendjedid : Avant sa mort, le président Houari Boumediene m’a désigné responsable des corps de sécurité. Les querelles autour de sa succession avaient débuté avant sa mort, mais je n’aspirais pas, personnellement, au poste de président. J’évoquerais tous ces détails un jour dans mes mémoires, et je me contente ici d’indiquer que le quatrième congrès du Front de libération nationale m’a désigné secrétaire général du parti, et candidat à la présidence de la République.

El Khabar :Certains ont pensé que les décisions que vous avez prises après votre arrivée au pouvoir vont à l’encontre de la politique de Boumediene, quel est votre commentaire ?

Chadli Bendjedid : Avant sa disparition, Boumediene pensait sérieusement à introduire des changements radicaux dans la politique agricole, la politique industrielle et les nationalisations. Ceux qui m’accusent d’avoir effacé les traces de l’ère Boumediene sont précisément ceux qui ont le plus bénéficié de la situation et qu’on appelle les barons du régime, ainsi qu’une minorité de gauchistes qui ont voulu obtenir des privilèges au prix de quelques marchandages mais j’ai refusé, et lorsque j’ai entrepris les réformes, on a dit que je voulais effacer les traces de Boumediene. On a aussi parlé de décennie noire. De quelle décennie parlent-ils ? Ont-ils analysé objectivement l’époque Chadli ? Ont-ils évalué les réalisations dans le domaine de l’économie ? Qui oserait dire aujourd’hui que l’instigateur du pluralisme politique, de l’ouverture du champ médiatique et de la culture des droits de l’Homme est une autre personne que Chadli ?

El Khabar :Un dernier mot sur Boumediene ?

Chadli Bendjedid : Son unique souci était de libérer l’Algérie de la colonisation et la construction d’une Algérie qui jouisse de la justice sociale et de la prospérité.
Il rêvait d’une société affranchie de l’ignorance et de la dépendance. Il a servi son peuple au point d’oublier les siens et sa propre personne. Je le vois toujours entouré d’un halo de lumière.

El Khabar
c'est pas l'arme qui tue mais l'être humaine qui tir sur la gâchette

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