Sahara occidental. Le procès du camp de Gdeim Izik vire à la mascarade
ROSA MOUSSAOUI
MARDI, 14 MARS, 2017
L'HUMANITÉ
Photo : Farouk Batiche/AFP
Empêchés de plaider, les avocats français des prisonniers politiques sahraouis dénoncent une « violation manifeste du droit à un procès équitable ».
La justice et le pouvoir marocains
ne s’embarrassent même plus des apparences. Dimanche déjà, l’expulsion du magistrat espagnol Jesus Martin Morillo, venu observer le procès des prisonniers politiques sahraouis de Gdeim Izik, donnait le ton. Quelques heures plus tard, c’est Claude Mangin Asfari, l’épouse française du prisonnier Ennâma Asfari, qui se voyait interdire l’accès au territoire marocain pour la troisième fois cette année. Ses avocats français, Mes Joseph Breham, Ingrid Metton, Olfa Ouled, eux, n’ont pas été remis dans l’avion, mais ils ont été retenus durant deux heures à l’aéroport de Rabat. Et hier à l’audience
ils n’ont pas pu plaider. Interdiction de s’exprimer en français, comme le permettent pourtant les conventions entre la France et le Maroc. « Je ne comprends pas l’hébreu ! » a même lancé dans une douteuse allusion le président de la cour d’appel de Salé à l’attention de Me Breham, rebaptisé par lui « Maître Abraham ». Alors qu’
une expertise médicale sur les détenus avait été ordonnée par la cour, les observations des avocats français sur ce sujet ont été rejetées sans explications. Il faut dire qu’elles pointent les
entorses aux dispositions du protocole d’Istanbul relatives au cadre dans lequel doit s’effectuer une expertise médico-légale sur une
victime de torture.
La Cour de cassation avait relevé
l’absence de preuves
Accusés des meurtres de dix membres des forces de l’ordre lors du violent démantèlement du camp de protestation de Gdeim Izik, le 8 novembre 2010, les vingt-quatre militants sahraouis mis en cause ont été condamnés trois ans plus tard par le tribunal militaire de Rabat à des peines allant jusqu’à la perpétuité. Sur la base
d’aveux extorqués sous la torture, comme le confirme une décision rendue le 15 novembre dernier par le Comité de l’ONU contre la torture. Au Maroc, même la Cour 
de cassation a relevé l’absence de preuves, cassant le jugement du tribunal militaire et demandant que l’affaire soit rejugée devant une juridiction civile. Mais la vitrine du « procès équitable »
mis en scène par Rabat a vite volé en éclats. Hier, avant de faire défiler une trentaine de
témoins cités sans motivation par le procureur du roi, le président de la cour d’appel a
sorti de son chapeau un DVD, prétendument saisi au moment des faits. En fait, « une
vidéo de propagande dont le
Parlement européen met en doute l’authenticité », remarque l’eurodéputée espagnole Paloma Lopez, venue en observatrice.
Ces images, au montage sophistiqué, donnent à voir des scènes d’affrontements et des exactions dont les auteurs ne peuvent être identifiés. Fait curieux, ni les auteurs, ni la provenance de ces images, sous-titrées en français, ne sont mentionnés. Quoi qu’il en soit, ce film, présenté comme une « pièce à conviction »,
n’est pas de nature à établir un lien entre les prisonniers de Gdeim Izik et les crimes dont ils sont accusés. Il est surtout
destiné à une opinion publique déjà chauffée à blanc. « Nos plaidoiries sont systématiquement interrompues. Nous sommes
insultés dans la salle d’audience et tout simplement
empêchés de défendre nos clients », s’insurgent Mes Breham, Metton et Ouled. Pour eux, c’est clair, la
violation du droit à un procès équitable est ici « manifeste ».
Rosa Moussaoui
Journaliste à la rubrique Monde
Au sujet de l'UA et du SO:
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