Algérie : après la disgrâce, Ali Benflis veut relever le « défi le plus important » de sa vie
LE MONDE | 20.01.2014 à 11h38 • Mis à jour le 21.01.2014 à 10h25 | Par Isabelle Mandraud
Une cuisante déroute en 2004, suivie d'une traversée du désert pendant dix ans, ne l'ont pas découragé. Pour la seconde fois, Ali Benflis, 69 ans, ancien ministre de la justice et chef du gouvernement, s'est porté candidat à l'élection présidentielle en Algérie, dimanche 19 janvier depuis un grand hôtel d'Alger. Il a franchi officiellement le pas dès la parution du décret de la présidence fixant au 17 avril la date du scrutin. Et avec une inconnue de taille : le président Abdelaziz Bouteflika, à la tête de l'Etat algérien depuis 1999, n'a encore rien dit de son intention de briguer, ou non, un quatrième mandat.
Ali Benflis, pendant sa conférence de presse à Alger, le 19 janvier 2014.
Dix ans après une première confrontation, le duel Bouteflika-Benflis peut-il se rejouer ? Beaucoup en doutent en Algérie, mais le silence observé jusqu'ici par le président algérien, bien qu'affaibli par des ennuis de santé, ne permet pas d'exclure un tel scénario. En 2004, l'élection présidentielle avait tourné au plébiscite pour l'un, à une humiliante défaite pour l'autre.
Dimanche, devant un parterre de journalistes auxquels il s'est empressé de rendre hommage, en qualifiant la presse « d'ultime bastion de la libre expression en Algérie », M. Benflis a sollicité le soutien de ses compatriotes pour l'aider à relever le « défi le plus important » de sa vie. Le candidat, il est vrai, s'est brûlé plusieurs fois les ailes. Avocat de formation, il était ministre de la justice à la fin des années 1980 avant d'être démis de ses fonctions en 1991, lors de l'interruption du processus électoral contre lequel il se serait opposé. Il ressurgit en 1997, comme député, puis comme directeur de la première campagne électorale de M. Bouteflika, en 1999. Nommé chef de gouvernement l'année suivante, cet homme du sérail est ensuite désigné à la tête du Front de libération nationale (FLN), le parti au pouvoir depuis l'indépendance, suivant jusqu'ici un parcours sans faute.
Puis tout s'écroule. Un différend avec le président Bouteflika serait à l'origine de sa disgrâce et de son remplacement en 2003. L'année suivante, persuadé qu'il bénéficie du soutien d'une partie de l'appareil sécuritaire, M. Benflis se présente à l'élection présidentielle, où il n'obtient que 6,42 % des voix. Dimanche, les partisans qui lui étaient restés fidèles depuis figuraient encore à ses côtés.
PAS « D'HOMME PROVIDENTIEL » EN ALGÉRIE
Cette fois, M. Benflis a eu le temps de se préparer. Depuis des mois, affichant une détermination sans faille, il sillonne le pays, rencontre discrètement responsables du pays et journalistes internationaux, et engrange les soutiens. Des dizaines de sites Internet ont été ouverts, en Algérie et à l'étranger, pour sa campagne. Surtout, une partie du FLN, déchiré depuis des mois par une lutte interne, lui est acquise, tandis que la direction de l'ex-parti unique a clairement affiché la couleur par la voix de son secrétaire général, Amar Saadani, qui a désigné, dès novembre 2013, M. Bouteflika comme le candidat du parti pour la prochaine élection présidentielle.
Pendant une heure et demie, dimanche, M. Benflis s'est employé à souligner qu'il n'existait pas « d'homme providentiel » en Algérie et qu'aucun « groupe ou représentant de l'Etat » ne pouvait « prétendre ou détenir le monopole du patriotisme ». Il a, au passage, également promis de lutter contre la corruption, « qui a connu ces dix dernières années des niveaux jamais atteints depuis l'indépendance », et de « libérer le juge pour qu'il n'obéisse qu'à la loi et à sa conscience ». Mais il s'est bien gardé de toute attaque frontale sur le bilan de son grand rival.
D'autres candidats se préparent. Selon le ministère de l'intérieur, qui n'a pas révélé les noms, quinze dossiers de candidature auraient déjà été retirés. Parmi eux devraient figurer quelques anciens ministres, comme l'ancien chef du gouvernement Ahmed Benbitour ou d'autres, résidant parfois même à l'étranger comme Ali Benouari, ex-ministre du trésor au début des années 1990, installé en Suisse. La loi impose à chaque prétendant le parrainage de 600 élus ou la signature de 60 000 citoyens répartis dans 25 wilayas (préfectures)