Uzbin, l’embuscade qui a tout changé pour l’Armée française
18 août 2008 : l’armée française perdait dix hommes en Afghanistan. Le piège d’Uzbin est devenu le symbole du piège afghan. Mais s'il a poussé au retrait français du pays, il a aussi modifié la stratégie de l’Armée de Terre dans les conflits asymétriques. Des officiers français nous dévoilent les évolutions tactiques françaises.
Pour l’Armée française, il y a eu un avant et un après Uzbin. Le 18 août 2008, deux sections, l’une du 8e Régiment parachutiste d’Infanterie de Marine (RPIMa) et l’autre du Régiment de Marche du Tchad (RMT), sont prises en embuscade dans cette vallée désolée d’Afghanistan, non loin de la frontière pakistanaise. A l'approche d'un col et durant six heures, ils affronteront un ennemi cinq fois plus nombreux et parfaitement maître du terrain. C’est la section parachutiste qui subira le gros du choc –composée de soldats de 20 ans, certes entraînés comme peuvent l’être ceux d’un régiment d’élite, mais déployés pour la première fois dans le pays.
Dans la vallée, l’orage d’acier
Arrivés à Kaboul fin juillet, ils occupent dès le 5 août la base avancée de Tora, à 60 km de la capitale afghane –un bastion qui avait été construit dans les années 80 par l’Armée rouge. Des renseignements tombent: une centaine de talibans se seraient infiltrés dans le pays par cette vallée d’Uzbin. L’avant-veille du combat tragique, dans une chaleur écrasante et entourés de villageois hostiles, une section est envoyée en reconnaissance dans le village de Sper Kunday. 48 heures plus tard, l’embuscade sera le baptême du feu pour ces hommes sur le théâtre afghan.
Le 18 août, les blindés légers de la section Carmin II du 8e RPIMa, et ceux de la section Rouge 4 du RMT, se suivent sur la route étroite, à 2000m d'altitude. Tout d’un coup, c’est le déluge de feu. L’ennemi est cinq fois plus nombreux, invisible ou presque derrière les rochers. La section Carmin II est éparpillée, une patrouille à pied en avant-garde, et le gros de la section dans les blindés légers. Prise au piège sous les rafales et les tirs de roquette, le repli est impossible. Sur les crêtes, l’ennemi prend son temps. Les snipers talibans visent les chefs, les interprètes et les infirmiers.
Les renforts quittent la base de Tora, et mettront 1 h 20 pour parvenir au col. Pour les soldats cloués au sol, l’attente est interminable. Pour les renforts, la peur s’accentue durant le trajet. Les militaires entendent les blessés et les morts s’accumuler à la radio avant, à leur tour, de débarquer dans l’enfer. Sur le champ de bataille, l’appui des mortiers tarde. Un hélicoptère passe au-dessus des soldats, mais le combat, trop rapproché, l’empêche d’intervenir. Un A-10 américain effectue ensuite un passage, avant que les tirs de mortier en fin d’après-midi ne permettent un premier dégagement. Les survivants tâchent de s’extraire, essayant de se frayer un chemin vers le village sous les tirs. Des «medics» et des commandos de l’air sont déposés en hélicoptère, mais il faudra attendre la nuit pour que l’ennemi se retire et le lendemain pour que le terrain soit reconquis. Les parachutistes français pourront enfin panser leurs 21 blessés et retirer les dix corps sans vie de leurs compagnons d’armes. Parmi eux, le Sergent Damien Buil. Le matin même, sa femme lui avait annoncé qu’elle attendait un garçon. Il est mort le jour de son anniversaire.
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