Paralysie libyenne
Alger a décidé d’arrêter sa collaboration avec Tripoli pour la surveillance de la frontière entre les deux pays.
Du côté libyen, ce sont des milices composées d’ex-rebelles, dépendant en principe du pouvoir de Tripoli, qui assurent la “sécurité “de cette frontière. Mais, pour les autorités algériennes, la collaboration sécuritaire bilatérale pose problème, car elles soupçonnent les services de sécurité libyens d’être dominés par les milices radicales, notamment le Groupe islamique libyen combattant.
Les Algériens craignent que la frontière commune entre les deux pays, longue d’environ 900 kilomètres, puisse être traversée en toute quiétude par des groupes terroristes. A l’exemple de ce qui se passe déjà à la frontière tuniso-libyenne, devenue un foyer d’insécurité.
Cette situation a poussé Alger à dépêcher 3 000 gendarmes à ses frontières avec la Libye. Suite à des opérations de ratissage dans la zone frontalière, les gendarmes algériens ont tué deux trafiquants et mis la main sur 130 roquettes antiaériennes, des mines terrestres et quelque 2 000 roquettes antichars RPG.
L’Algérie est opposée à la volonté libyenne de confier la sécurisation de ses frontières sud et sud-est à des sociétés privées, étant réticente à toute présence armée étrangère, notamment occidentale, à ses frontières.
L’anarchie politico-sécuritaire régnant à Tripoli étant pour Alger un facteur aggravant. Depuis les élections législatives en juillet 2012, le Congrès général national (CGN) libyen a en effet subi 18 attaques de la part de groupes armés, dans le but de faire pression sur les parlementaires, la dernière attaque datant du 22 octobre.
La dernière attaque contre le CGN aurait été commanditée par le Conseil de Cyrénaïque, une instance aux revendications indépendantistes dirigée par Ibrahim Jedran. Ce dernier commande également une milice de la tribu des Magharbiba, basée dans la région d’Ajdabiya, laquelle contrôle un certain nombre d’installations pétrolières. L’attaque du 22 octobre visait à faire pression sur la rédaction de la nouvelle Constitution libyenne, afin que celle-ci octroie à ces groupes le droit de gérer les ressources pétrolières des zones qu’ils contrôlent.
Par ailleurs, près d’une centaine de membres du CGN ont quitté leur siège le 27 octobre, privant l’assemblée du quorum nécessaire pour lui permettre de poursuivre ses travaux. Ces députés souhaitaient protester contre un changement de dernière minute apporté à l’ordre du jour par le président Nouri Abou Sahmein. Cette session devait, au départ, être consacrée à la création du Comité opérationnel des révolutionnaires libyens (CORL) et des fonds à lui allouer, qui s’élèvent à 900 millions de dinars libyens (670 millions d’euros). Ces députés ont demandé l’abrogation de la délégation donnée au président du CGN pour commander les forces armées ainsi que la mise en place d’une commission parlementaire, pour enquêter sur le dossier des fonds attribués au CORL et l’enlèvement éphémère du Premier ministre Zeidan.
Le Parlement devait également débattre de la déclaration du gouvernement de Cyrénaïque. En effet, les autorités de Benghazi ont annoncé la constitution d’un gouvernement régional autonome pour gérer les affaires de la région. Le nouveau gouvernement est présidé par Abd-Rabbo al-Baraasi, proche des Frères musulmans. Au cours d’une conférence de presse tenue à Ajdabiya, ce dernier a annoncé la formation d’un cabinet de 24 ministres, précisant que son action ne visait pas une partition mais la construction de la Libye dans le cadre d’un système fédéral. Il a, en outre, annoncé la création d’une Force de défense de la Cyrénaïque et la division administrative de la région en quatre provinces : Benghazi, Tobrouk, Ajdabiya et le Jebel Akhdar.
Ce nouveau gouvernement vient concurrencer, en quelque sorte, le Conseil intérimaire de la Cyrénaïque, présidé par cheikh Ahmed Zoubaïr al-Sénoussi, cousin de l’ancien roi Idriss renversé par le colonel Kadhafi en 1969.
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